Philosophie & Presse
textes et démarches
Recueillir les trésors de la mer pour en transmettre ses messages
Après 15 ans à communiquer pour des grandes marques, Aliette reprend des études d’art en 2011. Elle obtient une licence d’Art plastiques, une licence d’histoire de l’art, un diplôme des Beaux-Arts (E .S.A) et une spécialisation en Art Thérapie(AFRATAPEM).
En 2004, le tsunami en Indonésie la bouleverse et déclenche chez elle un profond ressenti sur les changements climatiques. L’année suivante, elle réalise une œuvre avec des couteaux de mer collés en mosaïque de façon linéaire et ordonnés comme un code génétique. Ce travail provoque un déclic dans sa démarche artistique et impose dès lors sa signature très personnelle.
Elle montre son travail dès 2012 avec une installation Land Art au musée de Plein Air de Villeneuve d’Ascq. Cet événementlance sa carrière professionnelle. A cette occasion, elle rencontre Hervé Maupin, artiste et amateur d’art qui découvre son travail et la convainc de présenter ses tableaux de couteaux à l’espace Culturel de Bondues près de Tourcoing en 2013. Ce sera sa première exposition personnelle. En 2016, elle est sélectionnée pour le prix international de Mosaïque de Chartres.
Artiste plasticienne. Aliette vit et travaille à Wambrechies où elle initie aujourd’hui grands et petits aux fondamentaux des arts plastiques. Elle ouvre sa galerie OYAT (Open Your Art) à Hardelot en 2017. Ses tableaux, sculptures et installations de coquillages sont présentées à Hardelot, Knokke le Zoute en Belgique. Ses expositions personnelles et collectives sont accueillies en France, en Belgique, Allemagne et aux U.S.A. Un parcours de près de 10 ans en salons et centres d’art ainsi qu’artiste et commissaire d’exposition mixant tous les arts.
Éloge de la récupération.
Comme la marée qui se retire, laissant sur l’estran les déchets qu’elle restitue, notre vie quotidienne abandonne derrière elle toutes sortes d’objets. Ces objets sont ensuite recyclés ou détruits. La société de consommation sacralise l’achat comme une forme célébration du bonheur. Mais le bonheur est parfois habité par le caprice du moment : l’achat d’impulsion. L’acte d’achat est capté par un habillage et un environnement subtils qui sollicite notre désir de posséder. Le besoin de renouvellement amplifie l’idée d’abondance et accroît notre dépendance à cette forme de consommation. La satiété, l’obsolescence et la destruction finale du produit nous ramènent au geste de rejet : direction : la poubelle. Poubelle, ma belle, tu vas donc recueillir les éléments de forme qui contribuèrent à l éphémère bonheur du consommateur.
Et voici que prend naissance l’éloge de la récupération… Car la curiosité et le désir de recréer vont pouvoir redonner vie à ces mal-aimés. Il suffisait d’y penser et de le faire.
De grands artistes : ceux des mouvements « Dada », du « Pop Art » américain ou des Nouveaux Réalistes s’y sont consacrés. Duchamp, César, Arman, Tinguely, Rauschenberg et bien d’autres, ont puisé leur inspiration dans les déchets de notre civilisation industrielle et urbaine. Ils les ont détournés, transformés, accumulés, emballés, compressés… pour en faire
des œuvres d’art.
A son humble échelle, Aliette trouve dans ses récupérations une forme de poésie qu’elle sait mettre en scène en de simples compositions. L’œuvre naît d’un jeu de couleurs, d’assemblages, d’associations et de superpositions… Des objets sans valeur, déconsidérés, abandonnés reprennent vie. Entre l’art et la vie, ces recompositions racontent leur histoire et retrouvent une nouvelle existence.
Le travail d’Aliette puise ses sources dans la nature et dans la société de consommation. Son regard se porte d’abord vers la mer. La mer, ce qu’elle nous révèle et ce qu’elle nous laisse, est pour elle un prolifique terrain de rencontres. Elle conçoit une écriture narrative autour des couteaux : ce mollusque atypique familier, pensionnaire discret des plages de la Côte d’Opale. Avec elle, le couteau devient le centre moteur d’une déclinaison plastique. Le couteau renaît, s’exprime sous toutes ses formes, se rassemble, se décline, s’ordonne, découvre la couleur pour s’extraire de son univers minéral. Son élégance filiforme conduit une écriture hachée qui se conjugue à l’infini. Il oublie le sable et le sel pour s’exposer en pleine lumière.
Hervé Maupin.
Aliette Duroyon, immortaliser l’éphémère
Depuis son enfance, la plage de Hardelot sur la côte d’Opale est son repère d’inspiration. L’artiste y récolte des couteaux de mer, parfois des lutraires ou encore des écorces d’arbre qu’elle colle ensuite sur bois ou sur toile avec un ciment naturel.
Aliette Duroyon s’attaque ici au summum de l’éphémère ; la mer et la vague elle-même qu’elle inscrit dans l‘immuable.
Cette série, inspirée par l’estampe La grande vague de Kanagawa de Hokusai, fait écho au tsunami de 2004.
Pour reconstituer la vague dans son mouvement, l’artiste capte la beauté gracile du couteau de mer et le sort de son contexte environnemental. En rééquilibrant cette empreinte de la nature, elle participe de ce fait à un art écologique dans le sens où l’élément, réintroduit sur un support, est recyclé sans être dénaturalisé.
Son approche formelle se caractérise par une pureté du vocabulaire. Elle convoque bien plus la fragilité et la délicatesse que la palette.
L’artiste écoute son désir de renouer avec la nature originelle pour ressentir la force des éléments et ses répercussions sur l’humanité.
« Je ne cesse de m’interroger sur ces phénomènes climatiques majeurs, sur leurs impacts, sur leurs causes, sur le rôle de l’homme face à tous ces changements. »
Aliette Duroyon attire notre attention sur la potentialité artistique du matériau réapproprié et son adhésion dans le monde de l’art comme œuvre à part entière. Sa sérialité et ses déclinaisons infinies, qui ne s’avouent pas comme telles, sont soumises à notre appréciation. C’est un véritable jeu d’opposition de la fonctionnalité et l’inutilité, du pérenne et de l’éphémère. Cette désorientation sensorielle participe au questionnement du cycle du vivant et son devenir.
« Il s’agit pour moi de cueillir la nature, admirer ce que l’on rejette, immortaliser ce qui va disparaître, en extraire la beauté. »
Elle créée en volume son ressenti de la nature, offrant une véritable vision sculpturale, expressionniste. Une parfaite lisibilité dans le montage de la forme participe à son attraction particulière pour le mouvement, provoquée par un choc artistique à 7 ans, l’âge auquel elle découvre Van Gogh.
« J’ai toujours été fascinée par la musicalité de sa touche et la vivacité de ses ciels, ils paraissent vivants, on sent le vent. »
Ce mouvement, l’artiste l’évoque à sa façon par les vagues et la houle qui viennent alternativement recouvrir et découvrir les profondeurs. On peut y discerner un sentiment oppressant. Sa technique d’accumulation comme l’espace de liberté de la surface parfaitement envahi, immergé, évoquent en ce sens la force de l’eau et de son pouvoir d’avancement irrémédiable sur les terres.
Ce rapport direct et frontal avec la nature convoque aussi une émotion réelle plus douce et optimiste.
« Dans un monde matérialiste, ressentir de vraies émotions face à la mer, à la beauté, aux éléments, nous aide à nous recentrer sur le réel et sur ce qui est essentiel (…) Chaque coquillage est précieux, il est tangible (…) Cette beauté originelle me redonne espoir et confiance en l’avenir. »
Par cette esthétisation de la vague, Aliette Duroyon glorifie et magnifie les forces de la nature. Ses œuvres disent la transition, le passage de la densité à la dissolution. Statiques sous nos yeux, elles s’inscrivent peu à peu vacillantes, mouvantes et vivantes dans notre espace mental.
Caroline Canault, Critique d’art et commissaire d’exposition, 2016
Biographie Longue
Dès son plus jeune âge, Aliette dessine, peint et s’initie à de multiples techniques picturales auprès de sa marraine Chantal Leblan Duroyon, artiste peintre et professeur de dessin. A l’adolescence, elle découvre Van Gogh et complète son apprentissage en copiant ses tableaux. Elle aime les couleurs franches et l’énergie de la touche du grand maître flamand.
Ce n’est qu’en 1999 qu’elle démarre une recherche plastique personnelle. Après une première exposition de peintures abstraites (au couteau (l’outil) en 2001, elle s’inscrit au centre d’art plastique et visuel de Lille Wazemmes (A.R.I.A.P.). Là, elle se perfectionne en dessin et suit les cours de modèle vivant de Karina Waschko .Elle démarre également une recherche plastique sur la matière et la couleur auprès de l’artiste polonais Yanutz Stega. Elle y expérimente ses premières recherches avec le couteau (coquillage) qui lui fournit une matière et des couleurs surprenantes. Pourquoi le couteau ? Aliette aime flâner pendant des heures sur les plages de sable fin d’Hardelot et ramasser ce qu’elle y trouve. Elle découvre également à cette époque les œuvres des artistes du Land art et de l’Arte Povera. Elle renforce son attrait pour la nature, sa sauvegarde et sa mise en valeur.
En 2007, elle participe avec un groupe d’artistes de l’ARIAP à un stage « des corps dans le décor » où le principe est de dessiner et de peindre pendant une semaine non stop. L’artiste présente une réalisation qui mêle les sons et les couleurs en hommage à la performance de Sadaharu Horio (membre d’un célèbre mouvement artistique japonais) vue quelques mois auparavant à la Maison Folie de Wazemmes Lille. Cette performance basée sur la profusion et la rapidité des gestes, convie directement le spectateur à participer et à entrer dans son univers.
Cet épisode la marque profondément et elle décide de quitter son poste de Directrice Conseil dans une agence de communication pour reprendre des études artistiques et se consacrer uniquement à l’art.
A l’occasion de ses études, notre plasticienne aborde de nombreux artistes comme Andy Goldsworthy, Jessica Stockholder, Anita Molinero. Pendant un an, elle travaille sur le pigment Bleu Klein, couleur devenue célèbre et fabriquée par l’usine Hollidays Pigment à Halluin. En partenariat avec cette entreprise, l’artiste présente pour son diplôme une installation consistant en une serre dont le sol est tapissé de pigments bleus en référence à la citation « faire pousser la couleur » de Kasimir Malevitch. Sa trajectoire créative va également être marquée par la lecture de l’ouvrage « La société de consommation » de Jean Baudrillard. Désormais la récupération est élevée au rang d’art et prend tout son sens.
Après une licence d’art plastique et d’histoire de l’art, un diplôme des Beaux Arts et une spécialisation en art thérapie, Aliette commence à donner des cours d’art plastiques à Hardelot, Tourcoing, Bondues Wervicq et Wambrechies.
Plus récemment, la découverte des couteaux sur les plages d’Hardelot va lui fournir un merveilleux champ d’expérimentation. Aliette peut les assembler tels quels, leur donner un sens, un rythme, dompter leurs aspérités, les casser, les peindre, leur insuffler une nouvelle vie… Aliette vit à Wambrechies où elle a son atelier et où elle initie grands et petits aux fondamentaux des arts plastiques.
Caroline Canault
Infini, 100*100 cm, couteaux de mer (coquillages), enduit sable et pigments bleus, 2018
« Il s’agit pour moi de cueillir la nature, admirer ce que l’on rejette, immortaliser ce qui va disparaître, en extraire la beauté. »
Au cœur de l’océan, il y a cette lumière, ce mouvement et ce bleu infini…
Pour évoquer l’océan et ses mouvements, je capte la beauté gracile des couteaux de mer (coquillages) et les sort de leur contexte environnemental. En rééquilibrant cette empreinte de la nature, l’œuvre participe de ce fait à un art écologique dans le sens où l’élément, réintroduit sur un support, est recyclé sans être dénaturalisé.
J’écoute mon désir de renouer avec la nature originelle pour ressentir la force des éléments et ses répercussions sur l’humanité.
J’attire votre attention sur la potentialité artistique du matériau réapproprié et son adhésion dans le monde de l’art comme œuvre à part entière. C’est un véritable jeu d’opposition de la fonctionnalité et l’inutilité, du pérenne et de l’éphémère. Cette désorientation sensorielle participe au questionnement du cycle du vivant et son devenir.
Ce mouvement, je l’évoque à ma façon par des tourbillons et courants qui viennent alternativement recouvrir et découvrir les profondeurs. On peut y discerner un sentiment envahissant. Ma technique d’accumulation comme l’espace de liberté de la surface parfaitement envahi, immergé, évoquent en ce sens la force de l’eau et de son pouvoir d’avancement irrémédiable sur les terres.
Ce rapport direct et frontal avec la nature convoque aussi une émotion réelle plus douce et optimiste.
Par cette esthétisation de l’océan et de ses courants, j’essaie de glorifier et magnifier les forces de la nature. Infini parle de la transition, du passage de la densité à la dissolution. Statiques sous nos yeux, les mouvements de la mer peu à peu vacillants, mouvants et vivants dans notre espace mental.